9 Octobre 2012
Hildegard von Bingen : «Visionnaire du 12ème siècle, abbesse, guérisseuse, compositeur, écrivain et sainte», telle est la description couramment faite de ce personnage incroyable qui
parcourut l’Europe pour y croiser les puissants, porter sa parole théologique (elle fût philosophe et théologienne renommée), monter ses églises : elle était mère supérieure. Ces chants de l’an
mille entièrement voués à Dieu sont, pour qui les entend pour la première fois, une véritable révélation. Pas tout à fait A cappella, puisque le son nasillard de la vièle médiévale vient souvent
sous tendre les voix, ils se distinguent notamment par le dépouillement harmonique absolu propre au vocabulaire musical religieux de l’époque. Le chant grégorien, musique liturgique officiel
romaine depuis le VI ème siècle est un chant monodique, toutes les voix sont toujours à l’unisson. De même ces chants de l’extase où les voix féminines éthérées se superposent et se confondent
avec tant de précision et d’abandon qu’il ne semble n’y en avoir qu’une seule, mais si étrange, si inhumaine lorsque soudain la tessiture soliste se démultiplie et, dans l’accomplissement sonore,
se désincarne. Musique sombre ? Ce n’est pas toujours le but de ces chants, mais la force de leur dévotion, la simplicité du vocabulaire, les résultats sonores obtenus par le respect des interprètes des conditions d’époque font de chacune
des pièces des moments de grâce, mais aussi d’une grande gravité. Les registres aigüs des femmes remplacent les moines des plain-chant, et dans les antiphons, ce qui nous rappellerait le
grégorien courant devient saisissant, aérien… finalement divin. A l’arrivée cette musique est d’une puissance évocatrice exceptionnelle. Lassé par l’utilisation systématique du chant grégorien
dans les publicités, films d’horreur ou intro black metal, vous allez retrouvez avec la musique de la «Sybille du Rhin» et l’ensemble Sequentia l’authenticité puissante et dépaysante de la
dévotion en ces âges finalement déjà reculés. L’élévation est inévitable, la vision un peu désolée de la campagne moyen-âgeuse et de la simplicité de ses enjeux est omniprésente. Des voix
inhumaines, tour à tour ensemble, solistes, dévotes puis soudainement seule et méditative, toujours habitées. Plus rare, la harpe aux mélodies surprenantes ajoute une couleur extraodinaire. A ce
recueil des «Chants de l’extase», on pourra préférer «O jerusalem» qui réserve des pièces à la facture plus primitive encore, des intrumentales plus nombreuses aussi, purement atmosphériques et
source d’une émotion incompréhensible, celle que contient ce recueil-ci est par ailleurs magnifique, indescriptible, une arabesque à la fois sage et folle de vièles et de harpes, toujours tirées
vers l’avant selon les mouvements rythmiques sautillants propres à la musique ancienne. Hildegard Von Bingen est, finalement, le premier compositeur individuel recensé de l’histoire. Sa musique
est à la fois immédiatement reçue, familière sur bien des points. Encore une fois, l’authenticité qui résulte de cette personnalité créatrice, par delà les schémas convenus des pièces religieuses
anciennes, font de ces œuvres, par Sequencia interprétées, des instants d’abandon de soi, d’oubli et de grâce.
(Source : gutsofdarkness.com)